Il soufflait grand vent l'autre soir dans la banlieue d'Avignon, à Montfavet, pour une décoiffante Ode maritime avec un vieux loup de mer à la barre (Claude Régy) et un marin des plateaux (Jean-Quentin Chatelain) rompu aux aventures inédites sur les mers les plus ardues. La carte de navigation dessinée par un certain Fernando Pessoa (écrivain lusitanien aux identités multiples) indiquait le départ depuis Lisbonne mais la destination demeurait énigmatique, de celle qui vous emporte loin, très loin, par la grâce des courants favorables de l'imaginaire. Mais avant de sillonner les tumultes océaniques du globe en compagnie d'un personnage monstre interprété par un comédien monstrueux, il importait de larguer les amarres, de jeter par-dessus bord certitudes et peurs inutiles, et de s'accrocher fermement au bastingage. Car la langue de Pessoa ne s'encombre pas des pleutres du verbe : elle vogue fièrement sur les flots de l'ailleurs et vous promet de sublimes archipels à l'horizon.
A l'avant d'un ponton accroché à un quai du Tage ou de la proue d'une goélette en partance pour l'inconnu, le narrateur-acteur, sculpté de lumières inquiétantes et enveloppé d'une «brume de sentiments de tristesse», aimante notre esprit, accapare notre attention, passeur idoine pour le plus exaltant des voyages : celui de l'imaginaire. Immobile, les bras abandonnés, il convoque les mystères du monde par la seule puissance de son verbe surgi des origines, bien avant la naissance des continents. Juché sur le promontoire de son furieux désir, il entre en fusion avec le texte de Pessoa, parfois d'une violence inouïe, et s'insinue dans notre conscience sidérée de spectateur. Lesté d'une «douceur douloureuse», il prononce l'incantation magique, «partir !», comme un écho au poème Amers de Saint-John Perse, puis dérive au gré de son périple intranquille, faisant corps avec son navire, celui né du «rêve des autres». Balloté par les flux et reflux d'un tourbillon de sensations, cet homme possédé par la mer et ravagé par ses démons, déverse sans retenue son océan intérieur, nous submerge d'un tsunami de sentiments contraires, avant de nous abandonner, hagards et hébétés, sur des rivages désolés mais sublimes. Une odyssée sans retour.
Jusqu'au 25 juillet au festival d'Avignon puis en tournée en France à partir du 19 janvier 2010.
mercredi 22 juillet 2009
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