Violence des
échanges en milieu tempéré
Créée
à la Comédie de Béthune en décembre 2011, cette pièce de Joël Pommerat
s’enracine dans un matériau d’interviews recueillies dans le Béthunois par
Philippe Carbonneaux et Virginie Labroche-Cornil auprès d’anciens vendeurs à
domicile et voyageurs de commerce. Une approche sociologique qui n’altère en
rien, bien au contraire, la dimension théâtrale d’un texte certes ancré dans un
terreau réaliste mais qui sécrète de belles trouées oniriques.
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Un magnifique quintet de comédiens © Elizabeth Carecchio |
En compagnie des
hommes
Une
pièce en deux époques dont les jeux de miroir révèlent à la fois la permanence
des rapports marchands et le basculement de la société française vers une
fièvre acheteuse encouragée par le capitalisme sauvage. Dans la première
partie, à la fin des années soixante (on entend les échos de mai 1968 à la
télévision), Franck est un vendeur novice adoubé par une équipe de vieux
briscards mais vite découragé par l’âpreté des rapports humains et le difficile
apprentissage d’un métier où le mot “confiance” est une coquille vide parée
d’atours séducteurs afin de convaincre le client potentiel. Une méthode appuyée
par une stratégie de conquête - un territoire est un champ de bataille et le
porte-à-porte un duel - où il faut pénétrer dans l’intimité des individus mais
se garder de toute compassion qui pourrait mettre en échec une vente.
Dans
la seconde partie, Franck a abandonné ses idées humanistes et remisé au
vestiaire ses interrogations éthiques pour devenir, trois décennies plus tard,
le héraut d’une équipe de débutants, adepte forcené du positivisme malgré
l’absence de résultats de ses vendeurs. Reniant ses idéaux de jeunesse, il
encourage auprès de ces derniers la culture du gain à tout prix et les manage
par la peur à travers un discours où pointe le spectre du chômage... Entre ces
deux époques, l’individu a supplanté le groupe, la solitude a évincé la
solidarité entre les vendeurs même lorsque celle-ci se heurtait aux impératifs
économiques. Reste le rituel de l’avant et après-vente autour du lit de la
chambre, avec ses phrases ressassées et ses passages obligés, où chacun se
conditionne pour la journée ou dresse le bilan de ses ventes.
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© Elizabeth Carecchio |
En
de courtes séquences ponctuées de brefs instants d’obscurité ménageant un
changement scénographique (une chambre d’hôtel différente à chaque nouvelle
scène), la mise en scène de Joël Pommerat oscille avec justesse et subtilité
entre hyperréalisme et fable contemporaine tandis que la direction d’acteurs, à
la fois précise et souple, offre l’opportunité à un magnifique quintet de
comédiens (Hervé Blanc, Patrick Bebi, Eric Forterre, Ludovic Molière et Jean-
Claude Perrin) de dévoiler une palette chromatique en osmose avec des
personnages empathiques ou méprisants, traversés de doutes ou habités par le
credo consumériste, gagnants ou perdants d’un jeu dont chacun finit par oublier
les règles...
Représentations
les 14 ET 15 FÉVRIER à CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE - LA COMÈTE, SCÈNE NATIONALE, les 21
ET 22 FÉVRIER à VÉLIZY-VILLACOUBLAY - L’ONDE, THÉÂTRE ET CENTRE D’ART, du 5 AU
7 MARS A PETIT-QUEVILLY - SCÈNE NATIONALE PETIT-QUEVILLY MONT-SAINT-AIGNAN, du
12 AU 15 MARS à SAINT-ÉTIENNE - LA COMÉDIE, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL, les 21
ET 22 MARS à AUBUSSON - THÉÂTRE JEAN LURÇAT, SCÈNE NATIONALE, du 9 AU 11 AVRIL à MONTLUÇON - LE FRACAS,
CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL, du 16 AU 20 AVRIL à RENNES - THÉÂTRE NATIONAL DE
BRETAGNE, CENTRE EUROPÉEN THÉÂTRAL ET CHORÉGRAPHIQUE, les 24 ET 25 AVRIL à ÉVRY
- THÉÂTRE DE L’AGORA, SCÈNE NATIONALE ÉVRY-ESSONNE, les 7 ET 8 MAI à TOURNAI -
MAISON DE LA CULTURE, les 14 ET 15 MAI à CHÂTEAUROUX – EQUINOXE, SCÈNE
NATIONALE, les 22 ET 23 MAI à COMPIÈGNE - ESPACE JEAN LEGENDRE, les 29 ET 30
MAI à SAINT-BRIEUC - LA PASSERELLE, SCÈNE NATIONALE.