Si
tu me quittes, est-ce que je peux venir aussi ?
Avec
Adolphe, adaptation du roman éponyme
de Benjamin Constant publié en 1816, Antoine Lemaire signe son spectacle le
plus ambitieux et le plus abouti, celui où se cristallisent pleinement ses
préoccupations formelles et thématiques. Une pièce contemporaine mais
intemporelle, admirablement interprétée par Chloé André et Sébastien Amblard.
Chloé André et Sébastien Amblard, magnifiques interprètes de Adolphe © Karine Petit Garbarini |
Cela commence comme un reality show narquois et s’achève sur un rictus mortel frappé du
sceau de la tragédie. Entre ces deux pôles qui s’aimantent inexorablement, la
pièce aura dessiné l’arc amoureux et sexuel sur lequel chemine en équilibre
précaire un couple de notre siècle où les sentiments périssables creusent un abîme
funeste. Dès les prémices de cette histoire, les règles du jeu sont
faussées : Adolphe, handicapé sentimental, professe un «je veux être aimé» volontariste
déconnecté du réel tandis qu’Ellénore, jadis dissolue, se protège dans un
corset de conventions qui ne demande qu’à être déboutonné…
Une rencontre, née d’un malentendu, qui accouche d’un vertige romanesque – ils deviennent les héros d’une histoire à écrire ensemble – puis conduit à une brève mais fulgurante épiphanie amoureuse. Mariée sans désir, Ellénore quitte alors son mari et cette liaison clandestine se vit dorénavant au grand jour ou dans le huis clos d’une alcôve. Mais Adolphe, pour qui Ellénore «était un but à atteindre», s’ennuie très vite et avoue dans une acide confidence : «c’est un plus grand malheur d’être aimé avec passion quand on n’aime plus». Le glas de son désir a sonné et, après le désenchantement, pointe le mépris – «je suis désolé si tu te laisses déborder par l’affect» insinue-t-il – puis la détestation envers celle qui n’aura été que l’incarnation d’une idée et non la personnification d’une pulsion. Il n’aura de cesse désormais de vouloir la quitter mais, égoïste par nature et veule par inclination, diffère jour après jour sa déclaration de rupture.
Une rencontre, née d’un malentendu, qui accouche d’un vertige romanesque – ils deviennent les héros d’une histoire à écrire ensemble – puis conduit à une brève mais fulgurante épiphanie amoureuse. Mariée sans désir, Ellénore quitte alors son mari et cette liaison clandestine se vit dorénavant au grand jour ou dans le huis clos d’une alcôve. Mais Adolphe, pour qui Ellénore «était un but à atteindre», s’ennuie très vite et avoue dans une acide confidence : «c’est un plus grand malheur d’être aimé avec passion quand on n’aime plus». Le glas de son désir a sonné et, après le désenchantement, pointe le mépris – «je suis désolé si tu te laisses déborder par l’affect» insinue-t-il – puis la détestation envers celle qui n’aura été que l’incarnation d’une idée et non la personnification d’une pulsion. Il n’aura de cesse désormais de vouloir la quitter mais, égoïste par nature et veule par inclination, diffère jour après jour sa déclaration de rupture.
© Karine Petit Garbarini |
D’ailleurs, il faudra la découverte accidentelle par Ellénore d’un enregistrement où Adolphe confesse à une caméra sa détermination (illusoire) de rompre dans les trois jours pour qu’enfin l’amante délaissée regarde en face cet homme incapable de vivre le présent et angoissé «de ne pas vivre la vie que l’on devrait vivre». Ellénore hurle alors au micro sa détestation dans un règlement de comptes frontal aussi amer que violent avant, plus tard, de céder à la luxure puis quitter en catimini la scène d’un monde où règne le cynisme.
Filmé par deux caméras sur le plateau ou au centre de petits films – comme si leur relation ne pouvait se vivre que par le décalage des images ou sous le prisme de la fiction –, ce couple passera de l’acmé amoureux à la mort annoncée par la lente déliquescence d’un amour chimérique. Sébastien Amblard interprète un Adolphe conquis par une idée, observateur d’une relation sublimée puis inhabitée, tétanisé par ses atermoiements ou noyé dans le déni. Quant à Chloé André, elle est une Ellénore belle jusque dans l’abandon, poignante dans le dénuement de son âme, tenace dans sa résolution et vulnérable dans sa passion.
© Karine Petit Garbarini |
Dans un entrelacs fécond de trivialité et de grâce, d’ironie (savoureuse intervention d’Olivier Menu en thérapeute conjugal !) et de sincérité, de leurres et de vérités, le texte dessine la carte sentimentale d’un couple d’aujourd’hui où Antoine Lemaire serait le sismographe des imperceptibles mouvements du cœur de nos amours éphémères.
Représentations du 6 au 8 février au centre Marius Staquet, place Charles-de-Gaulle à Mouscron. Renseignements et réservations au 03 20 27 13 63 ou sur www.lavirgule.com
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